Gestion des risques liés à l’utilisation du laser CO₂ en gynécologie
Au début des années 70, Kaplan et al.¹ initient le traitement des lésions du col de l’utérus par laser CO₂. Après plusieurs évolutions et avancées, son efficacité et sa précision font du laser CO₂ un outil qui reste actuel en gynécologie pour le traitement des lésions du col de l’utérus, du vagin, de la vulve et du périnée.
Le terme de LASER vient de l’acronyme Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation (Amplification de la lumière par émission stimulée de radiations). Le laser est donc un concentré d’énergie lumineuse dont la puissance permet l’élimination des lésions tout en préservant l’organe et en apportant une meilleure qualité de cicatrisation.
Quels sont les risques ?
La gestion des risques prend en compte plusieurs paramètres dont la fréquence d’exposition au risque et la gravité des dommages
Concernant le laser CO2, les risques principaux sont :
◊ L’exposition accidentelle au faisceau laser, qu’elle soit directe, ou indirecte par réflexion.
◊ L’inhalation des fumées induites.
◊ Et les risques électriques et électromagnétiques.
Concernant ces derniers, les lasers présentent les risques classiques liés à la présence de courant électrique à haute tension nécessaire à leur fonctionnement. La principale mesure de prévention passe par la coopération avec le service biomédical pour l’entretien et la maintenance préventive de ces dispositifs.
Risque d’exposition au faisceau
L’exposition accidentelle au faisceau peut être directe ou indirecte par réflexion. L’œil est la partie du corps la plus sensible au rayonnement laser. Avec une longueur d’onde de 10600nm, le laser CO2 émet dans l’infrarouge et est donc invisible par l’œil humain, ce qui majore ce risque.
L’œil peut être touché de brûlures de cornée, mais également de lésions irréversibles de la rétine. Le faisceau traverse alors la cornée et le cristallin, qui agissent comme une loupe, ce qui amplifie son intensité. À l’extrême, l’étendue des brûlures de rétine, vision de tâche noire, peut être suffisamment importante pour créer une cécité.
Sur la peau, l’exposition au faisceau du laser va engendrer des brûlures plus ou moins étendues, plus ou moins profondes. Sur les matériaux, notamment les champs opératoires et les compresses, l’intensité du faisceau est suffisante pour qu’ils s’enflamment.
Risque d’inhalation des fumées induites
La cible biologique du laser CO₂ est l’eau, qui absorbe l’énergie de l’impulsion laser et s’évapore instantanément. L’augmentation de volume qui en résulte entraîne l’élimination par fragmentation, vaporisation cellulaire. Ces fumées contiennent des composés chimiques tels que benzène, benzopyrène, monoxyde de carbone… dont les effets en termes d’exposition professionnelle sont assimilables aux fumées chirurgicales induites par l’électrochirurgie. Les fumées issues du laser contiennent également des particules et des éléments biologiques, plusieurs publications ont d’ailleurs, rapporté des cas d’infections à Human Papilloma Virus (HPV) chez des professionnels de santé suspects d’être d’origine professionnelle.2, 3
Quelles sont les mesures de protection ?
La première mesure de protection consiste à informer de l’utilisation du laser. Une signalétique sur la porte de la salle d’opération est nécessaire. Seule une personne autorisée peut déclencher l’émission du rayonnement, qui est indiquée par un avertisseur sonore ou visuel. L’opérateur doit être formé aux risques d’utilisation du laser. Le laser doit être équipé d’un viseur. La pédale est protégée contre le déclenchement accidentel.
Pour prévenir les expositions directes, le plan du faisceau du laser doit être le plus bas possible, il est préférable d’asseoir l’opérateur le temps de la procédure. Les yeux des autres intervenants de la salle d’opération restés debout se tiendront alors au-dessus de ce plan. De même, la disposition des différents intervenants dans la salle, notamment l’équipe d’anesthésie se placera sur un côté de la patiente pour être hors champ du laser.
Risques d’exposition indirecte au faisceau par réflexion
Une source de réflexion du faisceau peut être les bijoux, accessoires parfois tolérés dans les blocs opératoires, notamment les petits formats, non pendants. Mais les principales sources de réflexion du faisceau sont les métaux de l’instrumentation et des dispositifs médicaux (pied de table d’opération en inox, curseurs, table d’instrumentation, guéridon…), mais également certaines surfaces verticales techniques de la salle d’opération.
Pour ces procédures, il convient d’identifier les objets réfléchissants, surfaces inox, bijoux… les retirer de salle d’opération ou les recouvrir. De même, nous utiliserons une instrumentation adaptée antireflet, le plus souvent opaque ou colorée.
Protection oculaire
Tout comme il existe différents types de lasers, il y a différents types de lunettes de protection. Ces lunettes doivent répondre aux exigences de sécurité des directives européennes et être marquées CE. Les lunettes de protection étant conçues pour une longueur d’onde et une densité d’énergie maximale bien déterminées, leur utilisation pour des lasers de caractéristiques différentes est dangereuse puisqu’elles n’apportent pas la protection désirée. La plus grande vigilance sera nécessaire dans les blocs où cohabitent différents types de lasers et donc différentes lunettes. Un système de code couleur par vignette peut être mis en place ; ainsi les lunettes porteuses d’une vignette d’une couleur sont à porter pour l’utilisation du laser qui porte cette même vignette.
Protection cutanée
La peau péri lésionnelle dans le champ d’action du laser peut être protégée par des compresses imbibées de sérum physiologique. Les compresses, comme les champs opératoires sont à risque de s’enflammer. La mise en place des champs opératoires nécessite une rigueur pour prévenir les replis dans le champ d’action du faisceau. De même, l’attention sera portée sur l’oxygène, les alcools, les lubrifiants… qui accélèreraient les flammes.
Prévention des fumées induites
De nouveau, la prévention passe par la formation des opérateurs. Un réglage de puissance optimisé par rapport à la nature des tissus à traiter permet de réduire ce risque. En effet, il a été démontré que l’utilisation du laser à une faible puissance rend plus probable la présence de virus viable dans les fumées et l’utilisation d’une
faible intensité nécessite un temps de contact plus important et dégage plus de fumée. À cela s’ajoute, la maintenance préventive et le suivi des dispositifs médicaux par le service biomédical. La ventilation de la salle et l’aspiration par vide central sont insuffisants pour prévenir l’inhalation des fumées. Un système d’aspiration, à la source, spécifique, branché directement sur le spéculum, et équipé de filtration des fumées est indispensable. Dans les critères de choix de ces dispositifs, nous retiendrons la présence d’un indicateur de durée de vie du filtre et/ou de son efficacité résiduelle afin de prévoir le remplacement du média filtrant. Plusieurs auteurs se sont intéressés à l’efficacité de ces aspirateurs, dont les plus performants atteignent 95 %. Par conséquent, pour prévenir l’inhalation des fumées restantes, un appareil de protection respiratoire de type FFP2 doit être proposé en complément et non en remplacement des systèmes d’aspiration.4, 5, 6
La maîtrise des risques de ces interventions passe par la formation et l’expertise des intervenants. Une analyse a priori des risques permettra d’identifier et de prévenir les sources d’exposition. Les éventuels événements indésirables feront l’objet d’analyse profonde des causes collégiale.